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CollectionPierres Blanches

A 8 ans, il prenait en photo les jouets de sa chambre pour mettre en scène des histoires et ne pas les oublier. Depuis, dans ses petits carnets noircis de notes et de pensées qui semblent traverser à toute vitesse son esprit inquiet et, parfois même, ses mots, Thomas Dhellemmes n’a jamais cessé de coller compulsivement des images. Manipulées, découpées, assemblées telles un puzzle dont il garde l’agencement secret, elles partagent la vedette avec toutes celles, ambiguës dit-il, qu’il considère ratées mais dont il est incapable de se défaire. Toutes sont devenues son fil d’Ariane, une ligne de vie qu’il ne peut pas lâcher.

Dans « Pierres Blanches », Thomas a compilé vingt ans d’instantanés saisis dans la solitude de la marche à pied. De la Normandie au Japon en passant par l’île d’Yeu et les rives de la Méditerranée. Dhellemmes est de cette génération pour qui la photographie est une sorte de missel, de pause nécessaire, de chemin cardinal. Pas un moyen de retrouver sa route, mais de la trouver tout court.

La sienne commence là où sont ses racines et ses paysages de coeur. Lille, Roubaix, Tourcoing. Les éléphants gris-vert de la mer du Nord chanté par un Souchon nostalgique sur les rives de Malo Bray-Dunes. Le gris carbone du ciel. La beauté triste des paysages. Les maisons blanches dans des décors sombres. Les cabines de plage de la côte d’Opale dressées dans leur solitude hors saison. Il faut l’imaginer marchant dans la brume ou sous des ciels d’orages, tel un Sisyphe poussant son boîtier. Pérégrinant en silence sur l’île de Teshima, coin perdu de l’archipel nippon, ou sur les rochers découpés de Bornholm, au Danemark. Une autre fois dans les Pouilles ou bien dans les Landes. Dans la baie de Halong ou celle du Mont-Saint-Michel en passant par la plage des Petites-Dalles, en Normandie, si chère à Jeanloup Sieff, qui l’a beaucoup inspiré.

Les photographies de « Pierres Blanches » ont toutes été réalisées à l’instantané. Un procédé que Thomas Dhellemmes utilise depuis l’enfance. « Le Polaroid, c’est un parti pris autant qu’une réaction. J’aime sa violence, sa rudesse, ses pièges aussi », explique-t-il. Comme chez Cy Twombly dont les citrons granuleux et les soleils couchants sur gélatine le fascinent, l’instantané est chez Dhellemmes un moyen, pas une fin. Une méthode autant qu’une matrice. Ainsi qu’un chemin vers un autre support après la prise de vue : une fois son positif scanné, Dhellemmes recrée un négatif, qui le conduit à nouveau dans la chambre noire. Là où se révèlent d’autres instabilités nées de la chimie souvent approximative du Polaroïd.

A propos des images de « Pierres Blanches » tirées du livre publié chez Filigranes et exposées à Polka cet hiver, Thomas Dhellemmes dit : « Ce furent des moments heureux et j’étais vivant. » Ces pierres qui germent dans ses images et qui lui survivront sont des talismans. Les témoins secrets et silencieux d’un Petit Poucet qui n’a de cesse de chercher son chemin.